Combattre le sentiment d’infériorité linguistique

Cette semaine, je me suis entretenu avec la professeure Annette Boudreau de l’Université de Moncton. Ce qu’elle étudie ? Nous en avons presque tous fait l’expérience dans une certaine mesure : l’insécurité linguistique. C’est l’idée selon laquelle votre manière de parler n’est pas assez bonne, que vous ne parlez pas aussi bien que certaines autres personnes qui, elles, selon vous, parlent « correctement ». C’est évidemment un sentiment compliqué pour de nombreuses personnes, et particulièrement pour les minorités linguistiques. Je laisse la professeure Boudreau expliquer ce qui l’a menée en premier à ce travail :

[Professeure Annette Boudreau]

[Professeure Annette Boudreau]

Annette Boudreau : Mon travail comme sociolinguiste et plus particulièrement sur les idéologies et les représentations linguistiques n’est pas dû au hasard. Si je me suis intéressée au phénomène de l’insécurité linguistique, c’est parce que j’ai pu en observer les signes tangibles chez mes étudiants à l’Université de Moncton et en fait, pour autant que je m’en souvienne, tout autour de moi depuis mon adolescence. Je m’explique.

Avant d’enseigner la linguistique, et plus particulièrement la sociolinguistique, j’ai enseigné des cours de langue française aux étudiants inscrits en première année à l’Université de Moncton, des cours obligatoires pour tous les étudiants (sauf pour les quelques-uns qui en sont exemptés). Or je me suis vite rendu compte que les francophones issus des milieux où le français est minoritaire prenaient moins la parole que ceux des milieux majoritaires et de plus, j’ai pu observer que les premiers avaient intériorisé un sentiment d’infériorité. Or, ce sentiment n’était pas nécessairement lié aux compétences réelles des personnes. À la même époque, une collègue, Lise Dubois, qui enseignait en traduction, observait aussi une grande insécurité linguistique chez les étudiants du sud-est du Nouveau-Brunswick, milieu minoritaire. Sur la base de nos deux constats, nous avons donc décidé en 1989 de réaliser une enquête dans toutes les écoles secondaires francophones du Nouveau-Brunswick en faisant passer un questionnaire écrit aux élèves de 12e année (environ 1000 étudiants) puis en réalisant des entretiens avec 10 % d’entre eux (choisis au hasard). Les résultats furent concluants. Les étudiants des milieux minoritaires dévalorisaient davantage leurs pratiques linguistiques que ceux des milieux majoritaires.

Après cette enquête terminée, j’ai écrit une thèse sur le sujet et je ne cesse d’y travailler depuis. Mais j’explore aujourd’hui les discours qui contribuent à expliquer le phénomène et je les étudie dans une perspective historique.

[Quelques publications]

L’insécurité linguistique dans les communautés francophones périphériques. Actes du colloque de Louvain-la-Neuve.

L’insécurité linguistique comme entrave à l’apprentissage du français

Langues minoritaires et espaces publics : le cas de l’Acadie

 


Michael Iannozzi : Pour commencer, qu’est-ce que l’insécurité linguistique?

Annette Boudreau : Michel Francard, linguiste belge, définit l’insécurité linguistique comme une quête de légitimité linguistique. En fait, l’insécurité linguistique veut aussi dire le sentiment que ressent un individu lorsqu’il pense ne pas produire des énoncés selon un modèle imaginé ou attendu, c’est-à-dire lorsqu’il pense que ses pratiques linguistiques ne sont pas adéquates. Les principales manifestations de l’insécurité linguistique, définies par le sociolinguiste américain William Labov (en 1972), visibles dans les situations formelles de communication, sont les suivantes :

  • L’hypercorrection : le locuteur va tellement vouloir éviter de faire des fautes qu’il va en faire sans le vouloir. Par exemple, usage fautive des relatives : (usage du dont au lieu du que), vocabulaire inapproprié pour faire plus savant.
  • Les reprises, les reformulations (par exemple, redire le terme en vernaculaire)
  • L’entretien de sentiments négatifs à l’égard de sa manière de parler.
  • La perte de ses moyens, c’est-à-dire ne plus pouvoir trouver les mots qui conviennent dans une situation donnée.

MI : Quelles sont quelques causes potentielles qui rendent quelqu’un moins assuré linguistiquement ?

AB : Les causes sont nombreuses et varient selon les groupes et selon les individus.

  1. La situation sociale reliée à la scolarisation peut être considérée une cause de l’insécurité, c’est–à-dire que les gens de classes sociales défavorisées peuvent ressentir un certain degré d’insécurité linguistique mais tout dépend des situations et des métiers exercés. Pour certaines personnes, peu importe les classes, la façon de parler ne constitue pas une question importante.
  2. En fait, pour ressentir un sentiment d’insécurité linguistique, il faut avoir développé une conscience des différentes façons de parler et surtout avoir conscience de parler une langue, un français différent de celui qui est considéré comme le français le plus prestigieux. Les personnes très conscientes de la norme sont celles qui sont plus susceptibles de ressentir un sentiment d’insécurité linguistique. Je dirais aussi que les gens qui vivent dans les marges de la langue légitime sont plus aptes à ressentir des sentiments d’insécurité linguistique.
  3. Pierre Bourdieu, sociologue français, ne parle pas de langue standard mais de langue légitime et j’aime bien le terme parce qu’une langue peut être légitime et dotée de valeurs sur un marché (le marché officiel comme il l’appelle) et non légitime sur un autre marché (sur le marché franc selon le terme de l’auteur) ou encore sur le marché des pairs. Bourdieu compare la circulation des langues à la circulation de la monnaie ; les deux circulent sur des marchés et obtiennent des profits selon la valeur qui leur est accordée. Or la langue légitime est dotée d’une grande valeur sur le marché officiel des langues (situation formelle de communication), tandis que la langue vernaculaire est dotée de valeurs de solidarité (par exemple) sur d’autres marchés où il est important de parler comme les gens de la place.

MI : Est-ce que la perception de l’équilibre des pouvoirs est importante pour l’assurance des personnes qui parlent/ des locuteurs ?

AB : Oui bien sûr, elle est centrale. Bourdieu a bien montré que les détenteurs de la langue légitime peuvent exercer ce qu’il appelle un pouvoir symbolique (et même une violence symbolique) lorsqu’ils sont en contact avec des locuteurs qui possèdent moins cette variété ou qui sont en position d’infériorité sociale. Les détenteurs du capital légitime peuvent aller jusqu’à faire perdre leurs moyens aux autres, aux exclus de ce capital. Ces derniers ressentent cette violence et ils peuvent choisir de se taire, solution ultime.

MI :Y a-t-il des éléments lexicaux de l’autre participant qui jouent un plus grand rôle pour rendre quelqu’un sûr, ou non, linguistiquement ? Ou est-ce que ce sont plutôt les/ des choses plus subconscientes ?

AB : Oui les éléments lexicaux jouent un rôle quand, par exemple, on ne trouve pas le mot qu’il faut au moment convenu. Mais je crois plutôt que les dynamiques en jeu lors des conversations et qui produisent de l’insécurité linguistique relèvent davantage des relations de pouvoir qui s’exercent ou non dans l’échange et que ces relations de pouvoir ne peuvent se comprendre sans examiner les conditions sociales dans lesquelles interviennent ces échanges. Les êtres humains ont tous une histoire personnelle, sociale et historique, et c’est cet habitus (pour encore user de la terminologie bourdieusienne) qui est présent dans une conversation et il convient d’en tenir compte.

MI : Comment étudiez-vous quelque chose de si/ d’aussi difficile à observer naturellement ?

AB : La question est bonne – pas facile à mesurer. J’ai étudié l’insécurité linguistique en faisant des enquêtes comme je l’ai expliqué plus haut (par questionnaire et entretiens), mais surtout en observant les gens (ici les Acadiens) dans différentes situations de communications, des gens qui avaient à prendre la parole lorsqu’ils étaient en situation d’interview à la radio, ou lorsqu’ils parlaient à des francophones d’ailleurs (changement de registre ou affirmation d’une contre-légitimité en affichant de façon ostentatoire le vernaculaire – autre facette de l’insécurité linguistique). En effet, une façon de s’affranchir de la domination d’une norme exogène, c’est d’afficher sa différence, phénomène très visible chez certains artistes acadiens.

MI : Comment est-ce que le statut social du français au Canada affecte l’insécurité des Francophones ?

AB : Le statut social du français exerce indéniablement un effet sur l’insécurité linguistique des gens. Chantal Bouchard (1998) a montré que les Québécois ont dévalorisé leur langue à partir du milieu du 19e siècle (lorsqu’ils ont pris connaissance que le français des Français avait évolué de façon différente du leur) et ce jusqu’aux années 1960 où la situation a commencé à changer parce que les Québécois ont décidé de décrire leur langue, et aussi parce qu’ils ont pris des mesures gouvernementales pour contrôler leur économie et leurs institutions. En Acadie (au NB, en NE et à l’Île-du – Prince Édouard), les francophones n’ont pas les mêmes pouvoirs. Au Nouveau-Brunswick, la province est officiellement bilingue, les Acadiens ont obtenu la dualité en éducation, mais il reste que dans les régions minoritaires surtout, les locuteurs ont intériorisé l’idée que leur langue n’est pas aussi valable socialement. Ils n’ont pas nécessairement tort. La plupart sont bilingues – anglais et français – et ils savent qu’ils peuvent se débrouiller partout en parlant l’anglais. Dans nos enquêtes, on a pu montrer que les Acadiens sont très attachés au français – la langue du cœurs, qu’ils sont «fiers » de la parler, mais qu’ils savent par expérience que l’anglais est la langue des affaires, la langue passe-partout. Donc oui, le statut social du français affecte l’insécurité linguistique.

Il existe pour les francophones différentes formes d’insécurité, une insécurité statutaire et une insécurité formelle (Calvet 1999). L’insécurité statutaire est liée au statut alors que l’insécurité formelle est liée à la manière de parler. Par exemple, les francophones du Canada peuvent être sécures sur le plan de leur statut ( + ou – selon les provinces par exemple), mais en même temps être insécures sur le plan formel, c’est-à-dire penser qu’ils ne parlent pas la langue selon les normes attendues.

MI : Que nous conseillez-vous de faire pour nous rassurer un peu plus avec notre langage/ langue ?

AB : Deux choses :

  1. travailler sur les représentations – prendre conscience que la variation est le propre de toutes les langues, qu’il n’existe pas un modèle unique, une seule façon de parler une langue, que les manières de parler varient selon les conditions de production du langage, c’est-à-dire selon les variables suivantes : selon la scolarisation, selon le milieu social, le milieu géographique, selon l’idée que le locuteur se fait de la norme, que le groupe auquel il appartient se fait de la norme ; en effet, il est important de briser l’idéologie du standard , l’idée consistant à croire qu’il n’existerait qu’une seule variété valable, la même pour tous, pour tous les locuteurs d’une langue.
  2. Apprendre les éléments lexicaux et morphosyntaxique de la langue….

MI : Quel rôle jouent les instituteurs dans les écoles primaires en ce qui concerne la sécurité linguistique des enfants ?

AB : Ils peuvent jouer un grand rôle pour faire en sorte que les élèves comprennent qu’il existe différentes façons de parler une langue, que certaines sont valorisées, d’autres non, qu’elles sont toutes valables, mais que socialement certaines ont plus de valeurs que d’autres. Donc l’idée, c’est de partir des pratiques linguistiques des élèves pour les amener à élargir leur répertoire ; non pas mettre de côté la langue apprise à la maison, mais travailler à partir de celle-ci pour élargir le répertoire de l’élève. Le répertoire comprend le vernaculaire de la maison, les pratiques bilingues, la langue standard (ou légitime) etc.

MI : Qu’est-ce que vous aimez le plus en étudiant la sécurité linguistique ?

AB : Ce qui me motive, c’est d’essayer de montrer à quel point les discours négatifs sur les pratiques linguistiques des locuteurs sont reliés à une forme de rejet de l’autre et que les conséquences de ces discours sont énormes comme je l’ai déjà montré : certaines personne n’osent plus parler, d’autres vont être très conscientes de leurs pratiques, ce qui les empêche de communiquer correctement ou encore leur font faire des hypercorrections.

MI : Où voulez-vous amener votre recherche dans le futur ? Qu’est-ce qui va suivre concernant vos études sur la sécurité linguistique ?

AB : Je viens de terminer un livre sur la question qui tente d’en faire le tour et qui sera publié aux éditions Garnier en France à l’automne 2015. J’espère que cette recherche pourra faire en sorte de conscientiser les personnes autour du phénomène de l’insécurité linguistique et surtout qu’elle permettra de penser aux conséquences nombreuses des discours sur la langue et dont certains atteignent les locuteurs au plus profond d’eux-mêmes.


 

Un grand merci à la professeure Boudreau d’avoir discuté avec moi de ce sujet très important.

L’insécurité linguistique est un problème dont on a besoin de s’ occuper. Les dialectes et les variétés linguistiques sont examinés à travers le monde, de l’anglais vernaculaire des Afro-américains (AAVE – African American Vernacular English) au discours des habitants du sud de l’Amérique, en passant par les variétés sans « r » de l’anglais de la Nouvelle-Angleterre et de New York (pensez à un discours de J.F. Kennedy) ; ces trois exemples ne sont que des variétés de l’anglais proches des nôtres. En français il existe des phénomènes similaires avec le français acadien, le français hors-Québec, le français du Québec comparés au français standard de la France, etc.

Il existe aussi, bien entendu, les problèmes issus de ces insécurités qui affectent la décision même de parler des langues. De nombreux locuteurs hésitent encore à parler les langues aborigènes et indigènes, et d’autres langues minoritaires à travers le Canada (et le monde), ce qui peut mener à une situation ou des variétés entières de français ou d’anglais, des langues indigènes et des langues patrimoniales se trouvent au bord de la disparition.

Ces insécurités affectent la façon dont certaines personnes vivent leur vie quotidienne : ils doivent vivre chaque jour avec le sentiment de ne pas parler « correctement » dans certaines situations. On doit changer les attitudes qui créent ces insécurités, il n’est pas suffisant de dire qu’ils devraient être fiers de sa langue; parce que, comme Professeure Boudreau explique, « certains locuteurs vont payer un prix social très élevé s’ils s’expriment dans un vernaculaire très stigmatisé dans une situation formelle de communication ».

 

A tantôt,

 

Michael Iannozzi

 

Merci à Floriane Letourneux pour son aide avec mon français.

 

L’anglais de l’ouest canadien

Le blogue de cette semaine est une discussion sur l’anglais de la côte ouest et en particulier celui de Victoria en Colombie Britannique. Nous avons souvent beaucoup de mal à distinguer les gens qui viennent des différentes régions du Canada (à part le Québec et la côte est) et, de l’Ontario à la Colombie Britannique, les accents semblent être à première vue à peu près les mêmes partout.

Pourtant, le professeur Alexandra D’Arcy étudie l’anglais de Victoria et elle a découvert que les similarités que nous observons aujourd’hui n’étaient pas si similaires par le passé. Elle étudie la langue au niveau diachronique c’est-à-dire qu’elle en étudie l’évolution sur une certaine période et dans son cas, sur une longue période. Si vous menez des entretiens dans une communauté, une fois que vous la quittez, vous ne pouvez pas découvrir les changements qui ont lieu à travers le temps, sauf en comparant les locuteurs plus âgés avec les plus jeunes et en émettant des hypothèses sur les différences entre ces générations. En étudiant l’anglais de Victoria grâce à des enregistrements et des entrevues réalisés sur plus d’un siècle, le professeur D’Arcy peut observer les changements se produire au fil des ans à travers ces voix du passé.

Elle a eu la gentillesse de nous expliquer comment tout cela fonctionne et comment les habitants de Victoria avaient autrefois un accent bien plus distinct qu’aujourd’hui.

Fort Victoria avant de se développer à Victoria. (Source: Wikimedia Commons)

Fort Victoria avant de se développer à Victoria. (Source: Wikimedia Commons)

Michael Iannozzi : Il me semble qu’une partie des gens voient l’anglais canadien comme ayant seulement deux variétés : Terre-Neuve et le reste du pays. Comment est-ce que vous, vous voyez l’anglais canadien ?

Alexandra D’Arcy : Je vois beaucoup de diversité. A l’est de l’Ontario, il y a le Québec, les Maritimes puis Terre-Neuve et le Labrador ; Terre-Neuve est bien sûr définie par ses propres variations dialectales. Cette zone entière possède une histoire riche avec des influences variées en termes de données historiques, aussi bien au niveau régional, linguistique, religieux qu’ethnique. De l’Ontario jusqu’à la Colombie Britannique cependant, la situation n’est pas aussi homogène que ne le laisse penser la rhétorique. On oublie que les villes sont une chose et que les vastes zones rurales et semi-rurales du pays en sont entièrement une autre et qu’elles contribuent énormément à l’histoire de l’anglais canadien. Ces voix se retrouvent mises en arrière-plan mais les choses commencent à changer. De plus en plus de sociolinguistes sortent des villes si bien que notre vision de l’anglais canadien est aussi sur le point de changer. Nous vivons des moments palpitants.

MI : L’anglais couvre une zone géographique au Canada: où se trouvent les variétés, d’après vous ? Est-ce aussi simple que de diviser le pays ? Si non, pourquoi pas ?

AD : C’est une question intéressante. Je crois qu’il faut nuancer la réponse. Il existe évidemment de vastes régions : regardez seulement The Atlas of North American English [l’Atlas de l’anglais nord-américain], ou bien le travail d’enquête de grande envergure de Charles Boberg. Certaines de ces régions s’alignent sur les provinces mais d’autres pas. À l’intérieur même des régions, il y a des frontières dialectales plus petites et ainsi de suite. Mais bien sûr, c’est là l’image typique qui se dessine de la recherche sur les dialectes. Plus vous allez dans le détail, plus vous développez des caractéristiques autres que les simples sons et plus vous dénichez de diversité dans cette image. Autrement dit, plus on travaille sur l’anglais canadien, plus on adopte des angles de vue régionaux et plus l’image montre de la variété. L’émergence d’archives d’enregistrements couvrant des durées importantes va bien sûr apporter une perspective entièrement nouvelle à notre compréhension de l’anglais canadien.

MI : Votre travail s’est concentré sur l’anglais parlé à Victoria, en Colombie Britannique, et vous avez collecté des données couvrant une très grande période. Quelle quantité de données avez-vous, de quels types de données s’agit-il et sur combien de temps s’étendent-elles ?

AD : Excellente question! Je possède environ 300 heures de données : des récits oraux et des entretiens sociolinguistiques. Les récits oraux proviennent de deux sources principales : les bibliothèques de l’Université de Victoria possèdent des ouvrages d’archives dont j’ai pu acquérir les droits et ensuite, j’ai aussi pu assurer les droits pour un sous-ensemble de la Collection Imbert Orchard, par le biais de la CBC et du Musée Royal de la Colombie Britannique. La plupart de ces enregistrements ont été réalisés à partir des années 60 et nous avons utilisé les archives du Musée pour nous concentrer sur les locuteurs de la Collection Imbert Orchard qui sont nés ou ont été élevés à Victoria. Entre ces deux collections, nous avons ainsi 42 locuteurs de la région, nés entre 1865 et 1936. Le plus gros des entrevues sociolinguistiques ont été menées en 2012 avec de vrais Victoriens. Cette collection recense 162 locuteurs, nés entre 1913 et 1996. Je suis plutôt fière de ce corpus en fait. Nous avons beaucoup de Victoriens de première génération mais nous en avons aussi de deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième générations. Il me semble que c’est plutôt super. Mais si vous mettez les enregistrements d’archives avec les contemporains, vous vous retrouvez avec une vue d’ensemble sur le parlé local sur plus de 130 ans. C’est palpitant. Nous avons aussi beaucoup de chance parce que les bibliothèques de l’Université de Victoria détiennent l’histoire entière du journal local qui a débuté en 1858 sous le nom de The British Colonist [le colon britannique]. En réalité, les archives jusque 1920 ont été numérisées. Après cette date, on trouve les fichiers en formats microfiches mais c’est aussi sympa d’une autre manière. Tout cela complète les données. Nous avons les traces orales grâce aux enregistrements dans mon laboratoire, et nous avons des traces de la langue écrite formelle grâce au British/Times Colonist. Cela nous donne une connaissance supplémentaire de l’histoire de la variété de la langue.

MI : Quelles sont vos résultats sur l’anglais victorien ?

AD : L’anglais victorien d’aujourd’hui n’a pas de différence frappante avec ce que vous entendez à Vancouver ou à Toronto. Certaines personnes de la région racontent qu’on leur a déjà demandé d’où ils venaient lorsqu’ils visitent d’autres endroits ; mais il n’y a aucune marque de fabrique dans leur façon de parler estampillée « Victoria », que ce soit d’un point de vue local ou national. Cependant, il fut un temps où une certaine frange de la population avait un accent distinctif. Je l’appelle la « délicatesse de Victoria » [« Victoria Dainty »], mais sur l’île, il est connu sous le nom d’ « accent de Van Isle » [« Van Isle Accent »]. Ce nom vient des écoles privées cossues établies et gérées par des enseignants anglais Réformés, ce qui permettait d’établir des normes culturelles et linguistiques anglaises et, ainsi que l’a formulé un chercheur, ce qui permettait aux enfants d’immigrés de devenir anglais [« grow up English »]. Vous pouvez toujours entendre cet accent à Victoria mais les locuteurs ont maintenant tous la soixantaine voire plus. C’est vraiment une variété qui tombe en désuétude et pour comprendre son caractère unique, il faut savoir que la plupart des Victoriens ne se rendent pas compte qu’ils parlent à une autre personne de leur propre ville lorsqu’ils parlent à ces gens-là. En fait, beaucoup sont surpris quand je leur dis que cet accent existe et ils sont stupéfaits quand je leur fais écouter des enregistrements. Il faut vraiment les entendre ; et on parle là dans certains cas de Victoriens de troisième ou quatrième génération !

En ce qui concerne l’anglais contemporain de Victoria, le tableau est plus complexe mais je ne pense pas que ce soit particulièrement surprenant. Pour certaines caractéristiques, comme l’introduction de citations directes, l’anglais de Victoria n’est pas différent de l’anglais de Toronto ou celui de Perth en Australie d’ailleurs (par exemple : j’étais comme ‘Sans rire !’ [« I’m like ‘No way !’ »]). Mais certains aspects du parler local font de nous de vrais Canadiens, comme les extenseurs généraux (par exemple, « J’aime l’art et les trucs comme ça. [« I like art and stuff like that. »]) et aussi la façon dont la voyelle dans des mots comme « goose » est prononcée avec la langue plus en avant dans la bouche. Mais bien sûr, il existe aussi des éléments qui semblent mettre Victoria à part. Alors que la plupart des dialectes canadiens ont évolué relativement tôt pour prononcer des mots comme « tube » de la manière suivante : ‘toube’ [sans disphtongue], l’anglais de Victoria tend à garder l’ancienne prononciation ‘tioube’ [la prononciation britannique, avec diphtongue].

MI : Est-ce que l’anglais de Victoria a changé au fil des décennies ? Si oui, comment ? Est-ce qu’il s’est rapproché ou bien éloigné de ce qu’on considèrerait comme « l’anglais canadien standard », c’est-à-dire l’anglais du centre du Canada [aussi connu sous le nom de « anglais CBC », du nom de la société nationale canadienne de radio- et télédiffusion « Canadian Broadcasting Corporation ».]

AD : De manière très fondamentale, Victoria a toujours fait partie de la région du dialecte canadien général. La très grande proportion des colons et des immigrés a été constamment constituée d’autres Canadiens, c’est-à-dire des Loyalistes et de leurs descendants. Mais Victoria n’a pas été érigée en tant que siège de gouvernement ou de commerce ; elle a été érigée pour établir une colonie où les enfants d’immigrés anglais pourraient maintenir leur ‘héritage inaliénable’ en tant que sujets britanniques. En d’autres termes, il existe un bagage idéologique plutôt lourd dans les racines de la ville ! En ce qui concerne le rapprochement ou l’éloignement de la langue par rapport à l’anglais canadien général, c’est dur à dire. La cible est mouvante parce que les changements sont bien sûr en cours, et ils sont constants. Victoria participe de ces changements mais le problème réside dans les détails. Est-ce que cette ville participe de la même manière, avec les mêmes résultats finaux ? C’est là une chose que je vais devoir laisser en suspens pour l’instant.

MI : Si vous pouviez retourner en arrière et recueillir quelque chose de plus sur les données que vous avez déjà du passé, qu’est-ce que vous aimeriez récolter ?

AD : Ce serait super de savoir combien de temps les familles de ces personnes ont vécu à Victoria. Pour les enregistrements contemporains, nous savons que nous avons des Victoriens de la première à la sixième génération. C’est un aspect extrêmement instructif mais malheureusement, il est très difficile de retracer les données plus anciennes. La plupart des locuteurs étaient probablement de première génération mais il est possible que certains soient de deuxième et troisième générations. Quand leurs familles sont-elles arrivées, et d’où venaient-elles ?

MI : Est-ce que les sujets abordés durant les entrevues ont changé avec le temps ?

AD : Absolument, mais en fonction du support de travail. Dans la plupart des cas, on reçoit des récits oraux et les sujets sont typiquement spécifiques au support qu’est le récit oral, lorsque celui-ci a été collecté (que ce soit à propos de l’histoire de l’Université de Victoria ou à propos de la vie sur l’ile, etc.). La beauté de cette documentation réside néanmoins dans le fait qu’elle contient des histoires personnelles et bien sûr, la narration est la perle de l’entrevue sociolinguistique ; cela apporte un degré crucial de comparabilité. Si on engage les gens dans une conversation détendue et bon enfant, ça aide à aligner les données sur les autres. En même temps, nous savons que le sujet, le cadre, la personne qui fait passer les entretiens et les facteurs de ce type, ont tous une influence sur la performance du locuteur, si bien que cela affecte la comparabilité absolue. [L’environnement dans lequel l’entretien se tient et la chercheuse elle-même peuvent influencer, et d’ailleurs influencent, la façon de parler des gens. Par exemple, si vous parlez à votre meilleur ami qui vous enregistre chez vous, vous parlerez autrement que si vous parliez avec un journaliste de la CBC dans un studio.]

MI : À la lumière de l’utilisation actuelle des réseaux sociaux, de YouTube, des informations télévisées, etc, pensez-vous que des projets comme le vôtre seront plus simples ou plus compliqués dans une centaine d’années ?

AD : Grâce à Internet, il est indéniable que des sources potentielles sont en train de se multiplier mais tout cela se résume à ce que vous recherchez. Au bout du compte, les questionnements déterminent ce qui est utilisable et ce qui est valide empiriquement. Une bonne partie du contenu en ligne est accessible, en supposant que nous parlons de contenu qui est réellement publique et accessible pour l’exploration de données ; mais cela n’implique pas automatiquement que c’est adéquat et légitime au vu des objectifs de la recherche. Et franchement, sans informations détaillées sur les locuteurs, ces tonnes d’informations contenues dans ces supports se trouvent entravées. Donnez-moi une bonne vieille histoire orale n’importe quand !

MI : Si une personne du Victoria du début du XXème siècle s’asseyait dans un café aujourd’hui, qu’est-ce qui les frapperait le plus à propos de l’anglais à Victoria aujourd’hui ?

AD : Je crois que leur plus grande impression serait « qu’est-ce que c’est ? Pourquoi est-ce que ça fait un bruit épouvantable ? Ce n’est pas convenable ! » Bien sûr, je ne crois en rien de cela et je ne suis pas d’accord mais personne n’aime le fait que la langue change ; ce n’est jamais pour le meilleur. En plus de cela, les croyances et les impressions que l’on se fait de la langue sont inextricablement liées à celles que l’on se fait des gens. Avouons-le, même les femmes âgées les plus respectables portent des pantalons de nos jours, alors imaginez un instant la réaction face aux adolescents du XXIe siècle, ce groupe même qui est responsable de la ruine de la langue, de manière plus générale !

MI : Y a-t-il un enregistrement ou une entrevue que vous préférez? Une personne qui a été enregistrée et que vous appréciez beaucoup ? Si oui, pourquoi ?

AD : En fait, non, je n’en ai pas. Il existe des histoires et des échanges qui me captivent vraiment pour ainsi dire mais pas des individus en soi. Evidemment, certains enregistrements sont moins engageants que d’autres mais ça fait partie de la nature humaine. En général, je trouve que si vous prenez le temps d’écouter, et je veux dire par là que vous faites réellement attention à ce qui est en train d’être partagé, la plupart des gens ont des vies intéressantes et captivantes à un certain égard. Tout le monde a déjà fait l’expérience de la joie, de la tristesse, de la colère, de l’amour ; les histoires qui évoluent autour de ces expériences sont drôles, réconfortantes ou bien déchirantes. Tout le monde n’est pas un conteur accompli mais entre les lignes se trouve la vie. Pour la plupart, ce que je ressens, c’est de la chance ; la chance d’avoir l’occasion d’écouter des gens.

L’hôtel de ville de Victoria.

L’hôtel de ville de Victoria.

Un sincère merci au professeur D’Arcy d’avoir pris le temps de parler de sa fascinante recherche. Celle-ci ne semble peut-être pas importante pour le moment, mais il se peut que les entretiens qui ont lieu avec la famille, les amis ou les simples passants se terminent en outils importants pour les linguistes, les sociologues et bien d’autres chercheurs pour étudier la vie d’autrefois.

Le fait d’enregistrer les histoires qu’ont à raconter les membres de votre famille et de discuter du récit de leur vie, constituera une pièce importante ainsi qu’un souvenir de votre passé familial. Peut-être aussi qu’un jour cela pourra aider quelqu’un comme Alexandra D’Arcy à en apprendre plus sur l’histoire, la culture et la communauté dont votre famille fait partie.

 

A tantôt, eh,

 

Michael Iannozzi

 

Mille Mercis à Floriane Letourneux pour ton aide avec la traduction.

 

À la recherche d’une journée « mauzy »

Le professeur Gerard Van Herk effectue des recherches sur l’anglais de Terre-Neuve à l’université Memorial où il détient une Chaire de Recherche du Canada en études des langues régionales et des textes oraux. J’ai eu l’occasion de tout lui demander sur cette section emblématique du Canada.

Terre Neuve possède une histoire coloniale bien moins diverse que d’autres régions du Canada, ce qui a permis au dialecte de se distinguer plus notablement. De larges groupes d’immigrants en provenance des régions les plus populaires des îles britanniques y ont emmené avec eux leur vocabulaire mais aussi leurs accents.

La longue histoire d’isolement et la stabilité de Terre Neuve ont rapidement changé ces dernières deux décennies et cela a créé des changements socio-économiques spectaculaires sur une période très courte. Cette situation permet aux linguistes de mener des recherches sur ces changements tels qu’ils arrivent plutôt que d’essayer de travailler en remontant le temps pour reconstituer ce qui s’est probablement passé.

Drapeau de Terre-Neuve-et-Labrador

Drapeau de Terre-Neuve-et-Labrador

Michael Iannozzi: Il me semble que les gens en Ontario et sans aucun doute dans le sud de l’Ontario, pensent que l’anglais canadien a deux variantes : Terre-Neuve et ailleurs. Comment est-ce que vous, vous voyez la langue anglaise au Canada ? Pourquoi Terre-Neuve est-elle si emblématique pour l’anglais canadien ?

Gerard Van Herk: Je pense que les linguistes voient la situation de la même manière. Il me semble que les chercheurs trouvent de plus en plus de diversité au sein de l’anglais canadien mais dans l’ensemble, il s’agit quand même d’un seul parler plutôt cohérent. Terre-Neuve, de l’autre côté, a eu une histoire coloniale très différente suivie d’une longue période d’isolement ; la langue est donc différente. Je suppose que c’est emblématique parce que Terre-Neuve a rejoint le Canada suffisamment récemment pour que le dialecte soit toujours différent et que la région soit aussi toujours considérée comme différente. Je me souviens être venu ici avec mon groupe de musique il y a des années et, mon batteur Tony avait presque immédiatement décrit la région comme étant « l’autre société distincte du Canada ».

MI: Pourquoi est-il important d’étudier l’anglais de Terre-Neuve et comment diffère-t-il de la langue des grandes villes qui sont souvent étudiées ?

GVH: Nous pouvons trouver à Terre-Neuve des informations difficiles à trouver ailleurs. La région a été peuplée très tôt, à partir de populations originaires d’une très petite zone (le sud-ouest de l’Angleterre et le sud-est de l’Irlande) puis a été isolée pendant très longtemps, puis a rapidement changé. On peut donc facilement étudier toutes sortes de sujets ici (rétentions historiques, diversité interne, période post-isolation), qui seraient bien plus difficiles à étudier ailleurs.

MI: Pouvez-vous nous donner certaines particularités de l’anglais de Terre Neuve ? Et certaines caractéristiques des Terre-Neuviens en termes à la fois linguistiques et sociaux ?

GVH: Comme avec la plupart des variétés impliquant les forces concurrentes que sont la mondialisation et la régionalisation, Terre Neuve et l’anglais (ou plutôt ses locuteurs) semblent retenir quelques caractéristiques qui deviennent ensuite les caractéristiques les plus importantes, celles qui indiquent que vous êtes d’ici. Le fait d’ajouter un –s à la fin de certains mots (I likes it !) en est un exemple ; le fait de dire « dese tings » au lieu de « these things » en est un autre. Notre étudiante Rachel Dean a imaginé le concept du Terre-Neuvien Authentique et Idéalisé (« Idealized Authentic Newfoundlander », ou « Ian » en anglais), pour synthétiser l’image que les gens ont de la meilleure manière d’être terre-neuvien. Une personne sans prétention, amicale, chaleureuse, honnête, et qui semble être du coin quand elle parle.

MI: L’identité est un sujet intéressant en linguistique. Comment décririez-vous le concept d’identité en rapport à la langue ou aux variétés de langue ?

GVH: Je pense que nous allons avoir besoin d’expliquer le concept d’identité de plus en plus parce que les locuteurs de variétés distinctes ont beaucoup plus accès aux informations sur les autres variétés ainsi que sur la perception de leur propre variété. Le vieux modèle selon lequel « les gens parlent ainsi parce qu’ils ne savent pas » n’a plus vraiment aucun sens. Je pense que si nous pouvons être attentifs aux archétypes, aux stéréotypes et aux discours sur l’identité disponibles dans une communauté en particulier, nous pouvons comprendre comment les locuteurs utilisent ce matériau pour créer leur propre sentiment du soi. Mais je ne veux pas devenir l’un de ces chercheurs qui racontent des choses du style « à la ligne 43, l’usage de Melanie d’une variante de consonne occlusive montre qu’elle reste partagée en ce qui concerne le plan de relocalisation des années 60. »

Note: À l’époque des réseaux sociaux et grâce à l’accès, presque partout au Canada, à une énorme quantité de données, les Terre-Neuviens (et de fait presque tous les Canadiens) peuvent facilement trouver ce que les autres pensent de leur dialecte. Ceci peut avoir un impact sur leur propre perception d’eux-mêmes ; de plus, leur manière de choisir comment réagir à cette connaissance de ce que les autres perçoivent est importante. Cependant Gerard Van Herk prend soin d’indiquer que l’on ne peut pas trop interpréter l’identité des gens en se basant sur leur dialecte. Pour beaucoup, la façon de parler d’une personne ne dépend souvent pas de décisions ni de réflexions mais est absolument sans lien avec leur identité consciente.

MI: Est-ce que l’anglais de Terre Neuve a évolué au fil du temps et si oui, de quelle manière ? Est-ce qu’il s’est rapproché ou éloigné de ce que nous considérerions comme l’ « anglais canadien standard » ?

GVH: Nous ne savons pas complètement quels changements ont pu se produire lorsque les locuteurs de la langue vernaculaire, en particulier au tout début, n’écrivaient pas beaucoup ou ne consignaient pas beaucoup les faits. Nous pouvons plus ou moins supposer, à partir des données qui nous sont disponibles, que l’isolement de la région entre environ 1830 et 1930 a aidé les vieilles formes langagières à rester dans les parages. C’est pour cela qu’on entend toujours les Terre-Neuviens dire « ye » pour « you » ou utiliser des caractéristiques langagières que l’on ne trouve ailleurs que dans des dialectes distincts : par exemple, « he’s steady singing » signifiant « he’s always/ regularly singing » (il est toujours en train de chanter/ il chante régulièrement), dont les sociolinguistes américains vous diront que c’est une formulation afro-américaine. Depuis, les recherches, comme tout le travail de Sandra Clarke et nos propres résultats de sondages, suggèrent que la forte augmentation du contact avec d’autres dialectes entre les années 40 et 60 semble avoir mené les Terre-Neuviens à se rapprocher un peu de la langue standard, du moins dans les villes. Une renaissance culturelle s’en est suivie, avec une légère hausse de l’utilisation des caractéristiques associées à l’identité locale. Ce qui est super, c’est que certaines particularités au départ associées presque entièrement aux locuteurs irlandais catholiques sont maintenant utilisées par presque tout le monde, en particulier le parfait « after » : « I’m after doing that » pour dire « I’ve just done that » (Je viens de faire ça.)

MI: Quel est votre mot uniquement terre-neuvien que vous préférez et que vous voudriez partager ?

GVH: J’aime bien le mot « mauzy », qui signifie « humide, chaud, brumeux, doux, léger » tout à la fois et qui est utilisé pour décrire la météo.

MI: Enfin, y a-t-il une perception des anglophones terre-neuviens que vous voudriez clarifier ou changer ?

GVH: Je pense que la perception des anglophones terre-neuviens parmi les étrangers a tellement changé, en bien, durant les deux dernières générations qu’il me reste très peu à clarifier. Il existe toujours une perception chez certains, à l’intérieur même de la communauté, selon laquelle les locuteurs avec un dialecte fortement prononcé, sont quelque peu brusques et douteux ; cette perception travaille plutôt désagréablement à maintenir les inégalités basées sur la classe sociale ou l’origine régionale. Mais d’après mon expérience, lorsque vous signalez aux gens les préjudices à leur encontre, ils répondent rarement « ah ouais, vous avez raison, je vais changer tout de suite. »Un grand merci au professeur Van Herk pour ses réponses très intéressantes et de m’avoir aidé à mettre en lumière la part de l’anglais canadien que la plupart d’entre nous savons être différente mais pas exactement pourquoi.

 

 

A tantôt, eh

Michael Iannozzi

Merci bien, comme toujours, à Floriane Letourneux de son aide avec la traduction