On a tous vu ces declarations sous les vidéos Youtube. Vous savez lesquelles. Quand on regarde une vidéo qui est déjà passée à la télévision, ou une soumise à des droits d’auteur. Vous avez déjà vu la petite phrase qui dit licence « creative commons ».
L’idée d’une licence « Creative Commons » est que les gens ont le droit d’utiliser des œuvres multimédias à buts éducatifs et non-lucratifs. Ces licences esquissent les conditions selon lesquelles une œuvre peut être utilisée, partagée ou modifiée. La question des droits d’auteur est controversée en soi. Beaucoup d’entreprises productrices de contenu culturel comme les programmes de télévision, les vidéos ou la musique, ne veulent pas que les gens puissent obtenir leurs produits dans leur entièreté et ce, gratuitement. Ce n’est pas seulement un problème économique ; quel que soit votre point de vue sur la question, la question est : « quelqu’un a-t-il le droit de contrôler la culture, et qui ? »
Le billet d’aujourd’hui a pour sujet un problème différent sur le thème du contenu culturel. Je vous donne un exemple. Lorsque j’étais jeune et que je dinais avec mes parents et grands-parents, on parlait tous en anglais. Cependant, il leur arrivait d’aborder certains sujets (souvent des commérages pour être honnête) qui n’étaient « pas bons pour mes jeunes oreilles », si bien qu’ils se mettaient à parler en italien. Les capacités passives que je possède aujourd’hui en italien sont dues à une enfance faite d’efforts à saisir les détails des commérages juteux qui se partageaient. Ce que je veux souligner ici, c’est que les informations ne m’étaient pas destinées. Je n’étais pas le public visé et les locuteurs me dissuadaient activement de vouloir obtenir ces informations en utilisant une langue que je ne comprenais pas.
Cette expérience est courante chez beaucoup de gens et beaucoup de familles même si une seconde langue n’est pas toujours disponible. Que ce soit en chuchotant dans la cuisine ou en utilisant un langage codé pour s’assurer que les enfants ne comprendront pas, certaines informations dans nos foyers ne sont pas bonnes à entendre par tout le monde. À l’âge numérique, il y a tellement de données du monde entier à être instantanément disponibles à tous ceux qui ont Internet et de la curiosité.
Maintenant, je vais rapprocher ces deux idées – Youtube et ma grand-mère jasant en italien. Il existe beaucoup de cultures, de peuples et de communautés linguistiques possédant des informations privilégiées ou, d’une certaine manière faites seulement pour un certain sous-ensemble de gens. De nos jours, ces peuples veulent que leur langue et leur style de vie soient préservés mais maintenir la tradition quant à qui peut avoir accès et posséder ces informations, est une préoccupation croissante.
Une solution possible a été trouvée en créant des licences culturelles. En voici un lien : « Traditional Knowledge Licences. » L’idée derrière ces licences est que des données, des vidéos, des images, des enregistrements et des archives entières peuvent être mis sous licence pour s’assurer que seules les parties convenues y ont accès.
Un très bon exemple de cela m’a été raconté par la professeure Berez qui a enseigné l’été dernier un cours d’archivage linguistique au CILLDI (Institut pour le Développement de la litéracie et des langues indigènes canadiennes), qui offre des cours d’été sur les langues indigènes (voir notre billet du CILLDI). Certains de ses collègues conservaient des cassettes audio en les convertissant en format numérique afin de les protéger au cas où la cassette se détériore et devienne inutilisable. Au début de l’une des cassettes, on peut entendre une aînée d’une tribu dire que la chanson qu’elle est sur le point de chanter appartient à sa communauté et que cette chanson ne devrait jamais être jouée en dehors de la communauté. Mais la conservation des cassettes était réalisée à l’extérieur du territoire de la communauté, ce qui a créé un dilemme pour les conservateurs. Conserver l’artefact culturel est, mais respecter les souhaits de la défunte ainsi que les valeurs culturelles associées à la chanson est également primordial.
Les licences culturelles permettent aux gens de se protéger contre l’utilisation de certaines données par des parties non voulues. La base des critères va du sexe du public (des données sont seulement destinées aux hommes et d’autres seulement aux femmes), à la géographie (les données ne devraient pas être accessibles à l’extérieur de la communauté), en passant par la culture (vous devez être membre d’une certaine tribu ou d’un certain peuple), ou le rang social (vous devez avoir atteint un certain statut social dans votre communauté avoir de pouvoir avoir accès aux données.) Il existe même des « clauses crépusculaires », qui peuvent se référer à des informations disponibles seulement après un certain nombre d’années. Par exemple, si dans un enregistrement le locuteur exprime des idées peut-être controversées au moment présent, il peut exiger une clause crépusculaire si bien que le contenu ne paraitra pas avant sa mort.
Ces licences ne protègent pas parfaitement, tout comme on peut trouver tout de suite sur Youtube des films pourtant soumis à des droits d’auteur ; mais elles représentent un pas dans la bonne direction. Elles aident à protéger des informations, et servent à s’assurer que celles-ci tombent entre les mains de ceux qui ont le droit de les avoir. Les licences culturelles aident aussi à sensibiliser le public général sur le fait que les cultures et les peuples partagent différemment l’information et que ces licences permettent la transmission des connaissances et des renseignements avec respect.
Certains sites d’archivage, tels que AILLA, qui possède des enregistrements de centaines de langues centre- et sud-américaines, ont réalisé un pas supplémentaire. Certaines de ces archives sont protégées par des mots de passe ou requièrent que les parties intéressées contactent le contrôleur des archives pour demander la permission d’utiliser les archives, qui ont donc des restrictions. Ces dernières peuvent inclure que le demandeur se trouve dans le même pays ou fasse partie d’une communauté ethnique.
L’été passé, j’ai pris part à une discussion lors de laquelle une personne crie a formellement exprimé son point de vue selon lequel certaines données sont d’une telle importance culturelle qu’elle préfèrerait en voir toutes traces disparaitre plutôt que de les voir être partagées avec tous ceux qui ont une connexion Internet. En fait, les participants ont dit que certaines histoires ont besoin d’être racontées à nouveau, à chaque fois, si bien qu’on ne devrait jamais avoir besoin de faire d’enregistrement. L’histoire doit être encore racontée, en direct, devant le public, à chaque fois, sinon elle perd de son importance culturelle.
Ces licences culturelles représentent un grand pas vers le respect des souhaits des peuples qui veulent que leur style de vie et leur culture soient préservés, mais qui veulent aussi que ce qui est préservé soit utilisé et partagé de manière responsable.
A tantôt, hein
– Michael Iannozzi
(Merci bien à Floriane Letourneux pour sa traduction)
(Si vous avez des idées de sujets pour les prochains billets, contactez-nous à l’adresse suivante: canlangmuseum@gmail.com)