Les parents utilisent les babyphones, mais les bébés nous ecoutent aussi

Cette semaine je me suis entretenu avec la Docteure Ailis Cournane de l’Université de Toronto. Nous avons discuté de l’acquisition d’une langue primaire (ALP), en particulier de la manière dont les bébés et les enfants en bas âge acquièrent leur(s) langue(s) maternelle(s), et de leur façon de s’y prendre. Vous êtes-vous déjà demandé si votre enfant comprend votre « langage de bébé » ? Si vous pouviez élever un enfant parfaitement trilingue ? Ou s’il importe que votre enfant n’arrive pas à se souvenir qu’on ne dit pas « chevals » ou « journals » (‘gooses’ et ‘mices’ dans le texte original) ? Comprendre grâce à l’ALP comment nos enfants font pour acquérir une langue est la première étape vers l’obtention d’une réponse à certaines de ces questions. Même si vous n’avez pas d’enfant, vous en étiez un autrefois ; alors voyons ce que l’enfant qui se trouve en chacun d’entre nous pense de la façon que nous avons tous d’apprendre notre première langue. Tout comme pour de nombreux autres aspects de l’éducation des enfants, quand on a son propre enfant, on a tendance à avoir le sentiment d’être des experts en développement de l’enfant. Mais en ce qui concerne l’acquisition d’une langue première, on peut se tourner vers des spécialistes comme la Professeure Cournane pour nous aider à comprendre cette science qui se cache derrière ce processus et comprendre quels genres de vérités universelles il existe vraiment. Même si vous n’avez pas d’enfants, vous en étiez un autrefois. Allons voir tout de suite ce que l’enfant en chacun de nous pense de notre façon d’apprendre notre langue maternelle.

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[Moi quand j’avais eu 2 ou 3 ans. Le spaghetti m’a rendu heureux…certaines choses ne changent jamais]

Michael Iannozzi : Qu’est-ce qui vous a d’abord intéressé dans l’étude de l’acquisition d’une langue primaire ?

Ailis Cournane : À l’origine je travaillais sur les changements linguistiques et je voyais là constamment des références au rôle que joue l’enfant-apprenant dans ce processus de changement linguistique [Le changement linguistique est la manière dont les langues évoluent au cours du temps, ce qui signifie en général, sur plusieurs générations]. On pense que les enfants ré-analysent la langue lorsqu’ils l’apprennent et qu’ils construisent leur propre grammaire mentale [interne et subconsciente]. Cependant, en dépit du fait qu’on observe cette théorie partout et du fait qu’elle soit largement acceptée, personne ne l’avait suffisamment explorée en rapport avec les changements linguistiques. Je me suis donc intéressée à la langue des enfants parce que je m’intéresse d’abord au changement. Le développement et le changement ont beaucoup en commun.

MI : Comment définit-on l’acquisition d’une langue primaire ?

AC : L’acquisition d’une langue primaire (ALP) décrit le processus et les propriétés de la langue des bébés, des tout-petits et des enfants en bas-âge au fur et à mesure qu’ils acquièrent leur(s) langue(s) maternelle(s). L’enfant commence sans aucun langage (mais avec une capacité pour le langage !) et, grâce à une contribution sociale de la part de locuteurs qui l’entourent, il construit graduellement sa ou ses langue(s). Je dis ‘langue(s)’ parce que beaucoup d’enfants sont exposés à plusieurs langues si bien qu’ils les acquièrent simultanément.

MI : Comment l’apprentissage d’une langue primaire est-il différent de l’apprentissage d’une langue seconde ?

AC : Il y a quelques différences importantes. Tout d’abord, avec l’ALP, il n’y a pas d’autre langue déjà en place. Si vous êtes un enfant apprenant l’anglais, vous construisez votre première langue en utilisant seulement votre capacité linguistique et votre exposition à des locuteurs plus âgés. En ce qui concerne l’acquisition langue seconde [ALS], vous avez déjà une langue en place ! Quand vous apprenez l’anglais en tant qu’adolescent, par exemple, vous l’apprenez donc en relation avec votre langue maternelle (disons le mandarin). L’anglais que vous apprenez en tant que L2 entre en compétition de plusieurs manières avec le mandarin que vous avez appris en premier [Une L2 est la deuxième langue d’une personne, celle qu’on a apprise en deuxième.] Deuxièmement, il apparait que l’ALS requière plus de motivation et un enseignement plus explicite que l’ALP : cours, exercices, se forcer à parler avec des locuteurs natifs, etc. L’ALS semble aussi montrer des étapes importantes moins bien définies que l’ALP.

MI : Qui sont ces sources principales de contribution pour l’acquisition de la première langue, L1, d’un enfant ?

AC : Les sources principales de contribution pendant la petite enfance sont les personnes principales qui s’occupent des enfants [parents, enseignants, personnel de crèche, de jardin d’enfants, nounous…]. Très tôt, lorsque la plupart des enfants dépendent largement de leur mère, la contribution maternelle est généralement la plus forte. Les frères et sœurs plus âgés jouent aussi un rôle tôt dans le développement. Une fois que l’enfant va à une crèche ou une école maternelle, les enfants du même âge commencent à jouer un rôle plus important.

MI : De qui un enfant prend-il son accent?

AC : Eh bien, un enfant, en particulier un enfant plus âgé ou un enfant unique, modèle d’abord sa langue sur celle de ces principales personnes qui s’occupent de lui ; c’est d’eux qu’ils reçoivent la plupart de la contribution linguistique. Cependant, les enfants s’adaptent très vite à leurs congénères dès qu’ils entrent à la crèche ou à l’école maternelle. C’est pourquoi les gens dont les parents sont des immigrés ne partagent pas l’accent de leurs parents mais plutôt celui de leurs pairs. Par exemple, mes parents viennent d’Irlande mais mes frères et moi avons grandi à Montréal. Nous avons un accent anglais canadien avec les traits attendus des anglophones de Montréal. Nous avons occasionnellement une certaine influence irlandaise mais notre façon de parler est bien, bien plus proche de celle de nos pairs que de celle de nos parents.

MI : Est-ce que les composantes de la langue des enfants (accent, grammaire, prononciation, etc.) sont apprises séparément, à partir de différentes sources ou sont-elles apprises simultanément ?

AC : Simultanément. Cependant l’intérêt ou le point principal de concentration des changements développementaux peuvent se produire dans différents domaines à différents moments. Par exemple, puisque les mots sont faits de différents sons, l’enfant a besoin de commencer à décrypter le système sonore d’une langue avant de pouvoir vraiment saisir des mots (sans parler des mots complexes ou des phrases). Ceci dit, les sons sont contenus dans des mots si bien que l’enfant apprend aussi nécessairement les mots lorsqu’il se concentre sur le développement des sons. Il y a là en jeu des interactions très complexes.

MI : Alors que les enfants apprennent leur première langue, ils font tous des erreurs: qu’est-ce que ces erreurs nous disent sur la manière d’apprendre à parler ?

AC : J’aime bien appeler les erreurs ou les fautes des analyses « divergentes » ou « créatives » parce que ces analyses sont productives et systématiques et elles émergent d’aspects qui indiquent comment l’enfant apprend [cela signifie que les erreurs qu’un enfant produit comme de dire « chevals » pour « chevaux » et « journals » pour « journaux » sont logiques même si elles ne sont pas correctes. En d’autres termes, les erreurs sont calquées sur un modèle et peuvent s’expliquer.]

Elles n’ont l’air d’erreurs que quand on les compare aux normes de grammaire adultes mais, elles ne sont en réalité pas vraiment des erreurs ; elles montrent, par exemple, le dévoilement par l’enfant des règles linguistiques et l’application de ces règles (parfois des exceptions). Par exemple, les enfants sur-appliquent souvent le passé des verbes réguliers aux verbes irréguliers : ‘prendu’ pour ‘pris’ ou ‘couri’ pour ‘couru’ (les exemples originaux en anglais sont ‘goed’ pour ‘went’ et ‘eated’ pour ‘ate’). Cela montre que l’enfant comprend comment former de manière productive le temps passé. C’est une grande prouesse et ça montre la prise de conscience de modèles et la capacité à généraliser une règle.

MI : Les erreurs qu’un enfant produit en parlant sont-elles malgré tout un genre d’erreur? Est-ce qu’on peut dire qu’une prononciation incorrecte est le même genre d’erreur que de dire ‘prendu’ ou ‘couri’ ?

AC : Pas nécessairement. Une prononciation incorrecte, par exemple, peut avoir une cause physiologique (contrôle musculaire, état de l’appareil vocal en développement, coordination, etc.), cognitive (compréhension du système des sons de la langue, organisation), ou même les deux.

L’omission de mots grammaticaux (par exemple dire ‘envie partir’ (‘wan go’ dans le texte original) laissant de côté le pronom et le verbe ‘j’ai’ et le marqueur infinitif ‘de’ (‘I’ et ‘to’ en anglais), et ce que ces erreurs signifient, sont des sujets de débat bien connus. La question est de savoir si l’enfant les omet parce qu’ils ne sont pas saillants dans le signal sonore de la langue [l’enfant n’entend-il pas les autres composantes ?] ou, parce qu’ils sont grammaticalement plus complexes et abstraits ? Ou est-ce même une combinaison des deux ? [La signification de « envie manger » (‘want eat’ dans le texte original) prononcé par un enfant à l’heure du diner est plutôt claire même si c’est grammaticalement incorrect.]

MI : Existe-t-il un ‘ordre’ dans la manière d’apprendre une langue ? Les enfants apprennent-ils certaines choses en premier et d’autres en dernier ?

AC : Oui ! Cet ordre est en parti déterminé par la logique : les phrases sont faites de mots et les mots sont faits de sons si bien qu’on ne peut pas sauter tout de suite vers l’apprentissage de phrases si on n’a pas d’abord compris deux ou trois choses du système sonore de la langue. En simplifiant quelque peu, la première tâche de l’enfant consiste ainsi à percer le système sonore des paroles qu’il entend autour de lui (ou le système gestuel de la langue des signes). Une partie de l’apprentissage des modèles sonores dans une langue consiste à apprendre où se trouvent les limites des mots dans le flux de paroles. Nos paroles sont des flux acoustiques continus, sans frontières, mais notre grammaire mentale sait où placer ces frontières [c’est pourquoi quand on entend une langue qui ne nous est pas familière, on pense souvent que les locuteurs parlent vite. Ce sentiment est dû au fait qu’on n’entend pas où les mots se terminent.]

Nous avons appris à faire cela quand on était enfants en résolvant ce qu’on appelle « le problème de segmentation ». Ce problème réfère à la façon dont un enfant apprend où un mot se termine dans le flux continu et où le mot suivant commence. La recherche actuelle affirme pour la plupart que les enfants comptent très fortement voire seulement sur le contrôle des possibilités transitionnelles entre les sons. Les combinaisons de sons qu’on retrouve fréquemment dans le flux de paroles sont considérées comme étant des mots. C’est seulement en ayant une compréhension de la phonologie de la langue, c’est-à-dire une compréhension de quels sons se combinent ensemble et comment, que les enfants peuvent progresser pour associer des sens à des mots et pour apprendre comment les mots peuvent se combiner en des mots plus complexes, et en phrases.

MI : Cet ordre est-il le même pour toutes les langues? Quelles sont les différences pour les enfants qui apprennent des langues maternelles différentes ?

AC : Oui, autant que nous sachions, l’ordre est remarquablement similaire à travers des langues diverses. L’enfant, contrairement à quelqu’un qui essaierait d’apprendre une seconde langue, n’a aucun savoir préalable d’aucune langue. Le développement est ainsi lourdement déterminé par des problèmes d’apprentissage qui peuvent le restreindre. L’enfant doit deviner le système sonore, les formes et les modèles des mots, leur signification, les règles grammaticales (syntaxiques), etc. La tâche est dans l’ensemble la même en dépit de la variation de la langue acquise. La langue des signes américaine, bien qu’elle s’exprime dans un mode différent (mode gestuel, visuel, plutôt que oral, auditif) est connue pour être très similaire en termes de développement aux langues parlées lorsque nous considérons les étapes importantes : les babillages, les premiers mots, les premières combinaisons de mots (les premières phrases), la surgénéralisation des règles, etc. Ceci dit, la plupart des langues n’ont pas été suffisamment étudiées dans leur développement et l’emphase a été principalement mise sur les langues européennes occidentales et sur d’autres langues proéminentes, largement répandues, comme le japonais ou le mandarin.

MI : Comment les adultes, les parents ou les personnes qui s’occupent des enfants changent leur façon de parler quand ils s’adressent aux enfants ?

AC : Les personnes qui s’occupent des enfants utilisent souvent ce qu’on appelle « la communication dirigée vers les enfants ». On l’appelle aussi « langage enfant » [langue spéciale d’interaction avec les enfants]  ou « mamanais » [« motherese » en anglais]. Cette forme de langue a des caractéristiques phonétiques distinctes : le ton est plus aigu que d’habitude, les modèles des accents toniques sont exagérés, et les voyelles sont plus longues. Ces traits phonétiques sont perçus comme ayant un « affect heureux ». Les enfants et les tout-petits répondent de préférence aux affects heureux.

Il y a aussi des preuves indiquant que les adultes utilisent un vocabulaire simplifié pour représenter des catégories basiques de mots, par exemple : une mère peut appeler un tigre « un gros chat » lorsqu’elle parle à son enfant. De plus, il existe aussi des preuves selon lesquelles les adultes simplifient leurs phrases qui contiennent des mots que l’enfant est prêt à apprendre [pour les mettre en évidence]. Par exemple, un père peut très bien dire « Tu veux de l’eau ? » à son bébé de 12 mois plutôt que « Est-ce que tu veux un verre d’eau ?». On pense que les adultes complexifient inconsciemment les discours adressés aux enfants au fur et à mesure que celui-ci grandit linguistiquement.

MI : Est-ce que ce changement est utile pour les enfants?

AC : Ça semble être utile mais pas nécessaire. Il existe des différences interculturelles dans la manière qu’ont les adultes et en particulier les personnes qui s’occupent d’enfants, d’interagir avec les enfants. Nous savons que les enfants et les enfants en bas âge réagissent au langage enfantin ; ça peut peut-être les aider que d’exagérer les limites entre les mots et les autres caractéristiques qui caractérisent le flux discursif ; ça peut ainsi les aider à apprendre des mots, mais aider ne signifie pas être nécessaire. La plupart de notre recherche a été menée sur des enfants apprenant une langue dans des sociétés occidentales à l’époque récente si bien qu’il est juste de dire que jusqu’à présent, nous en savons plus sur cette situation d’apprentissage que sur toutes les autres situations d’apprentissage encore existantes.

MI : Est-ce que les enfants apprennent leur langue maternelle différemment?

AC : Oui. Il y a des variations parmi les enfants mais on doit voir cela comme secondaire par rapport à des tendances et des similarités très fortes. Ainsi, il y a plus de similarités dans la façon d’apprendre une première langue qu’il n’y a de différences. En gardant cela en tête, on peut parler de ce qui varie.

Tout d’abord, les enfants peuvent souffrir d’un désordre qui affecte leur développement langagier (par exemple le syndrome de Down, l’autisme, le syndrome de Williams) ou bien ils peuvent avoir une déficience auditive qui les empêche d’accéder correctement à la langue parlée (mais étrangement pas à la langue des signes s’ils y sont exposés). Alors, même parmi les enfants qu’on peut considérer comme ayant un développement normal, au regard du langage, la chronologie du développement varie. Certains enfants atteignent les étapes majeures bien plus tôt que d’autres, mais tout ça dans des tranches d’âge normales. Par exemple certains enfants vont prononcer leurs premiers mots avant l’âge de 10 mois tandis que d’autres ne pourront pas les prononcer avant leurs 2 ans. C’est comparable à l’éventail d’âge où les enfants commencent à marcher, allant de l’âge de 9 mois pour certains à l’âge de 18 mois pour d’autres. Le retard linguistique n’est diagnostiqué que chez les enfants de plus de 4 ans parce qu’avant cet âge, les enfants peuvent varier énormément dans leur développement sans que cela ne soit alarmant.

La personnalité de l’enfant affecte aussi son développement. Certains enfants sont calmes et prudents alors que d’autres seront plutôt loquaces. La nature de l’interaction linguistique avec les personnes qui s’occupent d’eux importe aussi. Certaines études ont montré que le statut socioéconomique est un facteur significatif pour le développement lexical et syntaxique. Des chercheurs ont suivi des familles américaines et ont analysé leurs paroles. Les personnes de statut socioéconomique plus bas ont moins de chance de poser à leurs enfants en bas âge des questions ouvertes du type : « Qu’est-ce que tu dessines ? » mais plus de chances de s’adresser à eux avec des questions totales [dont la réponse est ‘oui’ ou ‘non’] comme « Est-ce que tu dessines ? ». De plus, elles ont aussi plus de chances d’utiliser des mots d’interdiction, comme « ne fais pas ci ! » en comparaison à des adultes de statut plus élevé. Les enfants de statut élevé ont en moyenne un vocabulaire plus large et atteignent les jalons du développement syntaxique un peu plus tôt.

MI : Comment un enfant affecte-t-il la langue de ses parents?

AC : Ma recherche répond directement à cette question mais c’est un domaine qui a déjà reçu par le passé beaucoup d’attention théorique mais peu de recherche a été faite à partir de données réelles. En d’autres termes, beaucoup de chercheurs pensent que les enfants jouent un rôle dans le changement linguistique mais quant à savoir si c’est vrai ou pas, la réponse n’est pas encore claire du point de vue concret de la recherche. Nous savons que les adolescents sont des « adoptants précoces » ; ils sont plus à même d’adopter et de répandre les changements linguistiques. Pensez, par exemple, à l’utilisation de la formule de citation en anglais « be like » (faire genre) : « He was like, ‘thank you’ » (il m’a fait genre ‘merci’). Cependant est-ce que ces nouvelles variantes dans la langue émergent à partir d’innovations effectuées dans la langue enfantine ?

J’examine cette question pour les expressions modales (les mots qui expriment la possibilité en anglais : must, can, might, maybe, probably, etc.) Il apparait effectivement que les enfants font des analyses compatibles avec l’évolution de la langue au cours du temps. Cependant, ‘compatible’ ne signifie pas nécessairement ‘causal’, alors restez à l’écoute !

MI : Est-ce que votre recherche affecte votre façon de parler aux enfants maintenant?

AC : Je ne pense pas, à part peut-être que, plus je travaille avec des enfants, plus je suis à l’aise avec tout plein d’enfants différents ! Ceci dit, travailler sur le langage des enfants affecte sans aucun doute ma façon de les ’écouter’ ! J’adore leur parler pas seulement à cause du contenu de ce qu’ils disent, mais à cause de la forme linguistique de ce qu’ils disent.

MI : Qu’est-ce que vous préférez dans votre travail d’étude ?

AC : La créativité linguistique ! Les enfants utilisent leur langue qui est en plein développement pour vivre leur jeune vie et ils produisent beaucoup de phrases créatives lorsqu’ils essaient de s’exprimer. Le problème en soi est fascinant et complexe : comment un enfant sans langue part-il de cette étape pré-linguistique pour devenir un adulte pleinement linguistique ? La langue est complexe et systématique, et il est tellement facile de la prendre pour acquise. Mais quand on doit réfléchir explicitement à ce qu’un petit apprenant fait, on est régulièrement frappé : c’est merveilleux de voir que les humains peuvent même apprendre une langue.

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[Ma maman et sa jumelle étaient en train de discuter l’économie.]

Un grand merci à Ailis Cournane de nous avoir ramenés dans notre enfance et de nous avoir appris comment on a un jour appris à parler. L’un des grands avantages des études linguistiques, ou des langues plus généralement, c’est que vous êtes constamment stupéfaits par les complexités du langage et par notre capacité à manier inconsciemment et sans effort cette complexité.

Le fait que la version bébé de ma personne a été capable d’apprendre le mot « tracteur » parmi ses premiers mots, est plutôt remarquable. Petit Michael a été capable de trouver où commence et où se finit le mot (avec un « t » et un « r »), d’identifier les sons au milieu, et d’associer cette suite de sons à cette machine énorme que mon grand-père conduisait avec moi dans son champ, et puis de produire ces sons sans qu’on me le demande, lorsque je l’ai vu la semaine suivante. Pas si mal quand on considère que, après 10 ans, je bataille toujours pour utiliser correctement la négation en français.

A tantôt,

 

Michael Iannozzi

Merci bien Floriane pour ton aide avec la traduction.

 

Talking Baby Talk

This week I’m talking with Dr. Ailís Cournane of The University of Toronto. We are discussing first language acquisition, or FLA. We spoke about the way babies and infants acquire their mother tongue(s), the first language(s) they learn, and how they go about doing that.

Have you ever wondered if your infant understands your baby-talk? Whether you could raise a perfectly trilingual child? Or if it matters that your kid can’t remember that we don’t say “gooses” or “meeses”?”. Understanding how our children acquire language through FLA is the first step in answering some of these questions. Even if you don’t have a child, you were one once, so let’s find out what the kid in us thinks about how we all learned our first language

Like so many aspects of child rearing, having one’s own child tends to make people feel like experts on how babies develop. When it comes to first language acquisition, we can turn to researchers like Doctor Cournane to help understand out the science behind how our babies develop, and what kind of universal truths actually exist. Even if you don’t have a child, you were one once, so let’s find out what the kid in us thinks about how we all learned our first language.

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[Child version of me being encouraged to speak by being given macaroni…still works 24 years later]

Michael Iannozzi : What first got you interested in studying first-language acquisition?

Ailís Cournane : I originally worked on language change, and I continually saw reference to the role of the child learner in driving language change [Language change is the way language evolves over time, which usually means over generations]. Children are thought to reanalyse the language when they learn and build their own [internal and subconscious] mental grammar. However, despite seeing that theory everywhere, and it being widely accepted, no one had explored it sufficiently in how languages change. So I got into child language because I’m interested in change. Development and change have much in common.

MI : How is first-language acquisition defined?

AC : FLA [First-Language Acquisition] describes the process and properties of the language of infants/toddlers/young children as they acquire their mother tongue(s). The child begins with no language (but with the capacity for language!), and with social input from speakers around her, she gradually builds her language(s). I say “language(s)” because many infants are exposed to more than one language, so they acquire these simultaneously.

MI : How is the learning of a first language different from the learning of second language?

AC : There are a few important differences. Firstly, with FLA there is no other language in place. If you are a child acquiring English you are building your first language using just your language capacity and exposure to older speakers. For Second Language Acquisition [SLA] you already have a language in place! So when you learn English as a teenager, for example, you learn it in relation to your mother tongue (say, Mandarin). The English you learn as an L2 competes in some ways with the Mandarin you learned first [An L2 is someone’s 2nd language. The one they acquired second]. Secondly, SLA appears to require more motivation and explicit learning (classes, drills, forcing yourself to practice with native speakers, etc.) than FLA. SLA also seems to show less defined milestones (or stages) than FLA.

MI : Who are the main sources of input for an infant’s first language [L1] acquisition?

AC : The primary caregivers are the main source of input during infancy and early childhood. Very early on, when most infants are relying heavily on their mother, the maternal input is usually strongest. Older siblings also play a role early on in development. Once the child attends daycare or preschool the peer-group begins to play a larger role.

MI : From whom does a child learn their accent?

AC : Well, at first a child – especially an oldest or only child – models their language on their primary caregivers’ language, from who they are hearing most of their language input. However, children very quickly adapt to their peer-group as soon as they enter daycare or elementary school. This is why people with immigrant parents do not share their parents’ accent, but instead sound like their peers. For example, my parents are from Ireland, but my brothers and I grew up in Montreal. We have Canadian English accents with the features expected of Montreal Anglophones. We occasionally have some Irish influence in our language, but we sound much, much, more like our peers than our parents.

MI : Are the parts of a child’s language (accent, grammar, pronunciation, etc.) learned separately/from different sources, or is it all learned concurrently?

AC : Concurrently, however, the focus or main concentration of developmental changes may be in different areas at different times. For example, since words are made up of several sounds the infant needs to begin to crack the sound system of a language before they can really grasp words (let alone complex words or sentences). That said, sounds are contained in words so the child is also necessarily learning about words when they are focusing on sound development. There are very complex interactions at work.

MI : As children learn their first language, they all make some mistakes, what do they tell us about how the children are learning to speak?

AC : I like to call mistakes or errors “divergent” or “creative” analyses, because these analyses are productive and systematic and emerge from aspects of how the child is learning [Meaning the mistakes a child makes like calling geese, “gooses”, or moose “meese”, make sense even though they aren’t correct. In other words, the mistakes are patterned, and can be explained].

They only seem like mistakes when we compare them to adult grammar norms, but they aren’t actually mistakes, they’re (for example) the child uncovering rules of the language and applying those rules (sometimes to exceptions). For example, children sometimesover-apply the regular past tense (-ed) to irregular past tense (e.g., goed for went, or eated for ate). This shows that the child understands how to productively form a past tense in English – that’s a big achievement, and shows pattern recognitions and the ability to generalize a rule.

MI : Are the mistakes a child makes in speaking all the same “kind” of mistake? Is a mispronunciation the same “kind of mistake” as eated or goed?

AC : Not necessarily. Mispronunciation, for example, can have either or both physiological (muscle-control, shape of the developing vocal tract, coordination, etc.) and cognitive (understanding of the sound system of the language, planning, etc.) causes.

Omissions of grammatical words (e.g., saying wan go, leaving out the pronoun “I” and the “to” infinitive marker, I wanna go), and what these mistakes mean, are notoriously debated. Does the child omit them because they’re not salient in the sound signal of the language [Is the child not hearing the other parts?]? Or because they are more grammatically complex and abstract? Or because they can be omitted pragmatically (i.e. they’re not necessary to be understood when speech happens in context, as most daily speech does, especially for a child)? Or some combination of these? [It is pretty clear what “want eat” means coming from an infant at supper, even if grammatically it isn’t “correct”]

MI : Is there an “order” to the way children learn a language? Do they learn certain parts first and last?

AC : Yes. Some of this order is logically determined – sentences are made up of words and words are made up of sounds, so you can’t jump right to learning sentences if you haven’t figured out something about the sound system of the language you are learning. Thus, simplifying somewhat, the infant’s first task is to break into the sound system of the speech around them (or the gestural system of the sign language around them). Part of learning the sound patterns in a language is learning where word boundaries are in the stream of speech. Our speech is a continuous acoustic stream with no boundaries, but our mental grammar knows where to put boundaries [This is often why, when we hear a language we aren’t familiar with, we think they are speaking quickly. Because we can’t hear where words end].

We learned to do this as infants by solving what is called the “segmentation problem”. This problem refers to how the child learns where in the continuous stream one word ends and the next begins. Current research mostly argues that children rely heavily, or solely, on monitoring transitional probabilities between sounds. Sounds that frequently pattern together in the speech stream are thought to pattern together as words. Only by having some understanding of the phonology of the language, e.g. which sounds pattern together and how, can the child progress to associating meanings to words and learning how words can be combined together into complex words and sentences.

MI : Is that order the same across languages? What are the differences in children who learn different first languages?

AC : Yes, as far as we know the order is remarkably similar across diverse languages. The infant, unlike someone trying to learn a second language, has no knowledge of any previous language, so much of what constrains development is determined by how the child learns, and if the child has any learning or language impairments. The child must figure out the sound system, word forms and word-patterns, word meanings, grammatical rules (syntax), etc. The task is broadly the same one, despite the language that is being acquired varying. American Sign Language, despite being in a different mode (gestural-visual, rather than oral-aural), is known to be very similar in development to spoken languages when we consider milestones – babbling, first words, first word combinations (early sentences), overgeneralization of rules, etc. That said, most languages have not been sufficiently studied in development, the focus has been primarily on Western European languages and other prominent/widely-spoke languages (e.g., Japanese, Mandarin).

MI : How do adults/parents/caregivers change their speech when talking with children/infants?

AC : Caregivers often use what is called “Child Directed Speech”, or CDS. This is also called Infant-Directed Speech or Motherese. CDS has distinct phonetic features – it is higher pitch than the speaker’s regular voice, stress patterns are exaggerated, and vowels are held for a longer duration. These phonetic features are perceived as having a “happy affect”. Infants and young children respond preferentially to happy affect.

There is also some evidence that adults simplify their word choices to represent basic-level categories, for example, a mother might call a tiger a “kitty” when talking to her young child. Further, there is also some evidence that adults might simplify the sentences containing words the child is poised to learn. For example, a father might say “You want water?” to his 1-year old rather than, “Do you want a glass of water?”. Adults are thought to subconsciously complexify their child-directed language as the child grows linguistically.

MI : Is this change helpful for the learning children?

AC : It seems to be helpful, but not necessary. There are cross-cultural differences in the ways adults, and particularly caregivers, interact with children. We know that CDS is something that infants and young children respond to, and it may help exaggerate word boundaries and other features of the speech stream and thus help with learning words, but helping is different from being necessary. Most of our research has been conducted on children learning a language in western societies in recent times, so it is fair to say that it this point we know more about this learning situation than all other extant learning situations.

MI : Do different children learn their first language differently?

AC : Yes. There is variation across children, but this needs to be viewed as secondary to very robust trends and similarities. Thus, there is more that is the same about how children learn their first language than there is that differs. With that in mind, let’s talk about what varies.

First, children may have a disorder that affects language development (e.g., Down Syndrome, Autism, Williams Syndrome), or they may have a hearing impairment that impairs their access to spoken language (but not to sign language if they are exposed to a sign language). Then, even among children who are considered typically-developing with respect to language, the time course of development varies. Some children reach milestones much earlier than others, all within the normal range. For example, some children will use their first words by 10 months of age, while others may not use their first words until 24 months old. This is comparable to how some children start walking at 9 months while others start walking at 18 months. Language delay is only diagnosed in children over age 4 because children can vary widely in early development without any cause for alarm.

The child’s personality also affects development. Some children will be quiet and cautious, while others will be quite loquacious. The nature of linguistic interaction with caregivers matters as well. Some studies have shown that socioeconomic status (SES) is a significant factor in vocabulary and syntactic development. Families in the US were followed and their speech analysed; caregivers of lower socioeconomic status were less likely to ask their young children open ended questions (e.g. “What are you drawing?”) and more likely to address young children with yes/no questions (e.g., “Are you drawing?”), and more likely to use prohibitive language (e.g., “Don’t…”) compared to higher SES caregivers. Children from higher SES families on average had larger vocabularies, and reached syntactic development milestones somewhat earlier.

MI : How does a child change the language of their parents?

AC : My research directly addresses this, but it is an area that has previously received a lot of theoretical attention, but very little data-driven research. In other words, many researchers think children play a role in how languages change, but it’s unclear from real-world research whether that is true or not. We know that teenagers are “early adopters”, and most likely to embrace and spread language changes (think about, for example, use of quotative “be like” as in “He was like, ‘thank you’”), however do these new variants in the language emerge from child-language innovations?

I look at this question for modal expressions (words that express possibility: must, can, might, maybe, probably, etc). Children do appear to make analyses that are compatible with how languages change over time. However, compatible is not necessarily causal, so stay tuned!

MI : Does your research affect the way you now speak with children?

AC : I don’t think so, except perhaps that I’m more and more comfortable with lots of different children the more I work with kids. That said, working on child language definitely affects how I listen to children! I love talking to children not just for the content of what they say, but for the linguistic form of what they say.

MI : What is your favourite part of studying the way children learn languages?

AC : The linguistic creativity! They are using their developing language to live their wee lives, and they make many creative sentences when they try to express themselves. The problem itself is fascinating and complex – how does a language-less infant go from that pre-linguistic stage to becoming a fully-linguistic adult? Language is complex and systematic, and it is so easy to take it for granted. When you have to explicitly think about what the little language learner is doing you are regularly struck by how marvellous it is that humans can learn language at all.

twinsoonies

[My mum and her twin sister sharing sandbox gossip]

A great thank you to Ailís Cournane for taking us back in time, and teaching us how we once learned language.

One of the great advantages of studying linguistics, or language more broadly, is that you are constantly amazed at the complexities of language, and how subconsciously and effortlessly you are able to handle that complexity.

The fact that the little child version of me was able to learn “Tractor” as one of my first words, is quite remarkable. Infant Michael was able to find out where the word began and ended (with a “t” sound and an “r” sound), pick out the sounds in between, and attach that collection of sounds to a massive machine my grampa drove through the field with me, and then produce those sounds without being asked when I saw it the next week. Not bad work considering I still struggle after 10 years to use dont correctly in French.

 

Take care eh,

 

Michael Iannozzi